La tombe de Marie Lafarge au cimetière d’Ornolac Ussat les Bains.


Marie Lafarge

Marie Fortunée Capelle est née à Paris le 15 janvier 1816. Elle restera dans l’histoire pour son nom marital Marie Lafarge.

Elle décède a Ornolac le 7 septembre 1852.

Marie Lafarge est soupçonnée, puis reconnue coupable par la justice de l’époque d’avoir empoisonné son époux, Charles Pouch-Lafarge. L’affaire Lafarge dont le procès fit l’objet de nombreux commentaires et qui sera à l’origine de nombreux ouvrages décrivant ou analysant l’affaire, ainsi qu’à des films au cinéma et à la télévision.

Marie Lafarge est condamnée en 1840 aux travaux forcés à perpétuité par la cour d’assises de Tulle et à l’exposition sur la place publique de cette ville.

Marie Lafarge a bénéficié d’une grâce présidentielle de la part du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, peu de temps avant sa mort, en 1852. Sa tombe est située dans le cimetière d’Ornolac-Ussat-les-Bains.

Marie Capelle nait dans une bonne famille et dans l’Aisne reçoit une excellente éducation.

Sa grand-mère maternelle Herminie Compton serait née d’une liaison entre la comtesse Félicité de Genlis et le duc d’Orléans Philippe Égalité. Cette ascendance supposée aura une influence considérable lors de son procès, qui a lieu durant la monarchie de Juillet et le règne de Louis-Philippe, fils légitime de Philippe Égalité. La presse, que le pouvoir avait muselée par les lois de septembre 1835, allait s’empresser de dénoncer cette « bâtarde orléaniste devenue empoisonneuse », et cela aurait pu faire vaciller le trône.

Le père de Marie, ancien colonel d’artillerie de la garde impériale et officier de la Légion d’honneur, meurt d’un accident de chasse le 10 novembre 1828. Marie a douze ans…Sa mère se remarie et meurt sept ans plus tard…

Recherchant l’amour romantique, Marie décline toutes les propositions de mariage. Elle demande en fiançaille le comte Charles Charpentier, fils du général Henri François Marie Charpentier, lequel habite un château voisin à Oigny-en-Valois, mais le comte ne semble pas prendre ce mariage très au sérieux. Le comte refuse le mariage…

Selon Les grandes affaires criminelles, publié par les éditions Courtille, Marie fait ensuite connaissance du jeune Denis Guyot, dont elle apprécie la prestance et l’élégance, et avec qui elle entretient une liaison purement épistolaire. Le jeune bourgeois ne semblant pas pressé de se marier. L’oncle de Marie Monsieur le baron Garat, gouverneur de la Banque de France, demande qu’il soit mis fin à cette relation. Marie lui obéit et quitte son prétendant dés le lendemain. Lorsqu’il apprendra l’arrestation et la condamnation de la jeune femme, Denis Guyot mettra fin à ses jours…

À vingt-trois ans, avec l’aide de son oncle le baron Garat, qui a contacté une agence matrimoniale, Marie Fortunée Capelle fait la connaissance d’un entrepreneur originaire de Corrèze, Charles Lafarge, de cinq ans son aîné. Maître de forges au Glandier, dans la commune de Beyssac, il est également le maire de cette commune. Lors de l’entrevue, Charles et Marie font état de leurs garanties et de leurs bonnes mÅ“urs puis, non sans précipitation, le mariage est célébré le 11 août 1839 en l’église Notre-Dame-des-Victoires.

De l’amour idyllique a la déception…

Croulant sous les difficultés financières, Charles Lafarge sait qu’en l’épousant, il recevra une dot de 80 000 francs-or qui lui permettra d’éviter la faillite. Souvent présenté comme un « brave homme, mais un peu bourru », il est selon d’autres échos un personnage vil et corrompu, rongé par la violence, par ailleurs sujet à des crises d’épilepsie…

Marie va aller de surprise en mauvaise surprise : la nouvelle demeure de son tout nouvel époux est une vieille masure délabrée, infestée de rats, et que certains paysans des alentours déclarent hantée…Son mari lui a menti. Il lui a fait croire qu’il était le propriétaire du château de Pompadour à Arnac-Pompadour, ce qui n’était pas le cas…

Désespérée, Marie Lafarge se retranche dans sa chambre et écrit une lettre à son époux. Marie supplie son époux de la laisser partir. Elle lui laisse sa dot en échange. Marie menace même de mettre fin à ses jours.

Son époux refuse tout net. Marie revient a de meilleurs sentiments envers son mari. Mais en secret elle se met a la recherche d’argent. Elle va user de tous les moyens jusqu’à faire un testament en faveur de son époux. Elle lui adresse même des lettres d’amour torrides…

En retour son mari, touché par ces gestes ou calculateur, fait un testament en sa faveur, lui léguant tous ses biens. Mais dans la foulée son mari refait un testament en faveur de sa mère et de sa sÅ“ur…

Marie écrit à la pharmacie Eyssartier d’Uzerche afin de se procurer de la mort aux rats, car selon ses propres déclarations sa demeure est infestée de rats.

C’est l’un des domestiques, Denis Barbier, petit escroc parisien rencontré à Paris par Charles Lafarge, qui est chargé d’aller récupérer le produit. Barbier est en fait un homme-clé dans l’affaire car c’est lui qui lancera la thèse de l’empoisonnement…

Marie demande également à sa cuisinière de confectionner des gâteaux afin de les envoyer à son mari. Après un voyage de quatre jours en diligence, le 18 décembre 1839, les pâtisseries, faites avec du lait non pasteurisé arrivent à destination. Le jour même, le baron Lafarge tombe gravement malade. Charles Lafarge est pris de nombreux vomissements et de migraines. Il décide alors d’écourter son séjour a Paris et rentre à Beyssac. Il arrive au Glandier le 3 janvier 1840, et fait venir dès son arrivée le médecin de famille, qui diagnostique une banale angine. Marie entreprend de soigner son époux.

Poudre d’arsenic

Dans le même temps, elle envoie de nouveau une lettre à M. Eyssartier, le pharmacien d’Uzerche, afin d’obtenir une fois de plus de la mort aux rats…

L’état de Charles s’aggrave brusquement et le médecin rappelé à son chevet reste impuissant. Il meurt dans d’atroces souffrances, onze jours après son retour, le 14 janvier 1840 à 6 heures du matin…

La mère du défunt a déjà fait courir le bruit que sa belle-fille a empoisonné son fils et prévient immédiatement le procureur du roi.

Une instruction est ouverte. Le lendemain du décès, la gendarmerie perquisitionne et découvre de l’arsenic partout : sur les meubles, les aliments, de la cave au grenier. Sur les quinze analyses toxicologiques effectuées sur le corps de Charles Lafarge, les médecins de l’époque ne trouvent qu’une seule fois la présence « d’une trace minime d’arsenic ». Le 16 janvier 1840, une autopsie est pratiquée mais elle ne révèle pas d’anomalie. Des organes sont cependant prélevés pour être soumis à expertise ultérieure.

Le matin du 23 janvier 1840, le brigadier Magne et le gendarme Déon procèdent à l’arrestation de Marie Capelle-Lafarge, à son domicile de Glandier et la conduisent à la maison d’arrêt de Brive. Le 31 janvier 1840, Jacques Antoine Desrote, commissaire de police de la ville de Paris, procède à la perquisition de l’appartement de Charles Lafarge à Paris, afin de rechercher d’éventuels fragments de gâteaux. Aucun élément suspect n’est retrouvé.

Début février, le comte de Léautaud accuse Marie Lafarge du vol d’une parure de diamants appartenant à la comtesse. Le 10 février, les diamants sont découverts cachés dans le mur de la chambre de Marie…

Le procès débute… par une bataille d’expert :

Après les analyses effectuées par des chimistes de Tulle et de Limoges qui n’ont décelé aucune trace d’arsenic, le ministère public demande une nouvelle autopsie du corps de Charles Lafarge.

Durant le procès, la piste de l’intoxication alimentaire n’a pas été abordée. Charles Lafarge s’est senti mal après l’absorption de choux à la crème envoyés par son épouse, d’où l’accusation d’empoisonnement. Mais il a pu tout aussi bien mourir à cause des gâteaux fait de crème et de beurre, non pasteurisés et qui avaient voyagé trois jours…

Mathieu Orfila, doyen de la faculté de médecine de Paris, inventeur de la toxicologie médico-légale et l’un des auteurs du manuel

Mathieu Joseph Bonaventure Orfila

de l’appareil de Marsh qui détecte les traces d’arsenic, prince officiel de la science et royaliste convaincu proche du pouvoir orléaniste, est dépêché de Paris. À la surprise générale, il relève par des manipulations, considérées aujourd’hui comme douteuses, une quantité minime d’arsenic dans le corps du défunt. Sitôt après avoir effectué sa déposition, il repart pour Paris en emportant dans ses bagages les réactifs utilisés pour la contre-expertise.

La présence de l’arsenic dans le corps de Lafarge constitue donc le fil rouge du procès. Maître Théodore Bac l’a bien compris et tente le tout pour le tout : il demande à Raspail, brillant chimiste de Paris, de mettre sa science au service de la défense. Raspail met trente-six heures pour arriver à Tulle, mais à son arrivée, cela fait déjà quatre heures que le jury s’est prononcé. Il est trop tard pour démontrer une présence dite « naturelle » de l’arsenic dans tous les corps humains – les os humains contiennent en effet de l’arsenic…

Le 19 septembre 1840, Marie Lafarge est condamnée aux travaux forcés à perpétuité et à une peine d’exposition d’une heure sur la place publique de Tulle…

Le retentissement de l’affaire est, à l’époque, considérable. Le milieu social de Marie Capelle-Lafarge et son probable cousinage avec le roi Louis-Philippe, sa personnalité, l’énigme de l’empoisonnement, y contribuent.

Les critiques fusent des rangs conservateurs et catholiques. Les soutiens sont plutôt des intellectuels et des modernistes, qui voient cette présomption de culpabilité primer sur l’inconsistance des preuves, comme Alexandre Dumas ou George Sand. La femme de lettre évoque ainsi, en réponse à Eugène Delacroix, dans une lettre qu’il s’agit d’une « affaire mal menée et salement poursuivie par le ministère public »

Détention et mort :

Marie Lafarge est envoyée au bagne de Toulon. La rapide dégradation de son état de santé conduira Louis-Philippe à commuer sa peine en détention criminelle à perpétuité.

Transférée dans l’une des tours de la prison de Montpellier, elle y contracte la tuberculose. Pour cette raison, le ministre de l’intérieur Pierre Jules Baroche accepte son transfert dans la maison de santé de Saint-Rémy-de-Provence.

Le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte la gracie par décret et elle est libérée en juin 1852.

Tombe de Marie Lafarge

Elle meurt le 7 septembre de la même année à Ornolac Ussat-les-Bains, notre petite commune thermale située dans le département de l’Ariège, où elle s’est retirée. Marie Lafarge est inhumée dans le cimetière d’Ornolac-Ussat-les-Bains à quelquescentaines de mètres du camping Ariège Evasion.

Durant toute la durée de son emprisonnement, elle écrit un journal intime publié sous le titre « Heures de prison », où Alexandre Dumas voit « les battements du cœur de la prisonnière pendant ces neuf années ».

Maître Lachaud, son défenseur lors de son procès, ne cessera d’entretenir sa tombe après sa mort et, lorsque, trente ans plus tard, lui-même fut gagné par la maladie, il demanda à l’épouse de Paul de Cassagnac de continuer à fleurir le tombeau :

« Les cÅ“urs qui croient à l’innocence de Marie Capelle deviennent de plus en plus rares. Puisque vous êtes un de ceux-là, promettez-moi d’entretenir sa tombe quand je serai mort… cette pensée me fera du bien. »

— Charles Lachaud

Postérité de l’affaire

Une énigme judiciaire

« Coup monté », « erreur judiciaire », « crime parfait », sont des termes quelquefois utilisés pour décrire ou pour commenter « l’affaire Lafarge » qui reste, selon de nombreux spécialistes de l’histoire criminelle, l’une des plus grandes énigmes judiciaires. À l’image d’autres affaires non complètement élucidées, elle laisse subsister de nombreux doutes.

De nombreux écrivains, journalistes et juristes, s’intéressent encore aujourd’hui à cette mort suspecte.

Une enquête menée en 1978 a démontré que Charles Lafarge serait, en réalité, mort de la fièvre typhoïde, dont le bacille était à l’époque mal identifié.

La généalogiste Chantal Sobieniak, en faisant des recherches en 2010 sur une affaire de justice à Brive, découvre dans un sac de procédure, 52 documents concernant un procès jugé en 1818 mettant en cause la famille Lafarge et plus particulièrement la belle-mère de Marie Capelle, Adélaïde Pontier, ce qui donne lieu à la publication de l’ouvrage « Rebondissements dans l’affaire Lafarge ».

En 2011, soit plus de 170 ans après le procès et la condamnation de Marie Lafarge, des membres de la famille souhaitent lancer une procédure de révision de son procès.

Michel Gache, président de l’association « Cercle Marie Capelle – Marie Lafarge », et Edouard de Lamaze, avocat et arrière-petit-neveu de Marie Lafarge, déclarent avoir « réuni suffisamment d’éléments nouveaux pour rouvrir le dossier.

L’association, qui a remis le dossier au ministère de la Justice, signale que celui-ci a bien été déposé sur le bureau du garde des Sceaux. Le collectif est dans l’attente d’une réponse du ministère de la justice…

Une reconstitution du procès a été organisée au tribunal de Tulle, le 2 octobre 2023 en présence de 250 personnes dans le cadre de « la Nuit du Droit ».